Réflexions et fondements philosophiques de notre travail
« l'art de la vision sereine de la prise en compte créative du monde est difficile.
Ceci exige une réflexion sérieuse et continue, ainsi qu'une stricte sobriété pour sa réalisation.
La récompense ne sera pas dans l'approbation de contemporains vite lassés,
mais seulement une joie du savoir et de l'éveil, une émotion interne de l'universel »
Novalis
Introduction
Depuis des temps immémoriaux, la lumière fut ressentie par l'homme, comme manifestation divine, perceptible à nos sens. La quête de connaissance de la nature de la lumière, n'a d'ailleurs cessé de tarauder les hommes et ce, depuis la plus haute antiquité : Empédocle, Aristote, Kepler, Newton, Descartes, Goethe, Young, Einstein, jusqu'à Feynman, l'un des pères de l'électrodynamique quantique, tous cherchèrent à définir cette nature multiple de la lumière, véhicule de la couleur.
Le mystère de la lumière demeure entier.
Les chercheurs actuels comme Cohen Tannoudji et Serge Haroche, prix nobel de physique ou Alain Aspect ont consacré leurs travaux à la physique quantique et démontré que l'infiniment petit ( particules sub-atomiques) et l'infiniment grand de la cosmologie (big bang), ont en commun une relation intime avec la lumière.
La lumière est invisible.
Elle ne devient perceptible que lorsqu'elle traverse des filtres ou touche des objets.
Nous ne percevons donc pas la lumière, mais seulement ''les manifestations'' de la lumière.
Cette loi physique, bien avant sa découverte, a donné matière à réflexion métaphysique, sur un au-delà non matérialisé. Elle met en évidence la qualité immatérielle de la lumière et ce vide sensoriel, éveille l'homme à composer en lui-même une image universelle de Dieu.
« La cosmologie n'est plus seulement métaphysique mais peut être exprimée par la physique »
(Cohen Tannoudji)
C'est le point de départ de notre recherche sur la ''couleur-lumière'' et de son application artistique.
Les compositions
Les compositions extrêmement dépouillées sont dépourvues de sens narratif.
Nous rendons la ''couleur-lumière'' perceptible afin qu'elle exprime son propre langage. Seuls des rapports rythmés complémentaires apportent un équilibre et viennent donner sens aux compositions minimalistes.
Elles évoquent avec d'autant plus de force les thèmes fondateurs de notre vie spirituelle, invitant le sujet spectateur à l'activité et au calme intérieurs, à la méditation contemplative.
Les concepts architecturaux
Pour développer un concept, nous intégrons différents paramètres afin que le projet ne naisse pas d'une imagination débridée, mais prenne corps au sein même de la réalité, réponde aux spécificités du lieu où il s'incarne.
Ainsi, l'implantation géographique, l'aspect historique, et bien entendu l'activité ou les activités qui se déroulent dans ces lieux, sont les piliers de nos projets.
Nos propositions globale tentent de condenser et de compléter l'esprit du lieu à travers les qualités lumineuses, une présence chromatique sensible et des graphismes simples.
Nos propositions cherchent la sobriété, exempte de représentations, lesquelles s'adressent directement à l'intellect, figent et oriente de façon limitative, la perception individuelle.
Notre démarche artistique cherche davantage à engager le sujet-spectateur dans une activité intérieure créatrice.
L'activité sensorielle est déjà en elle-même, une re-création inconsciente de ce qui est perçu, comme l'ont découvert les chercheurs en neuro sciences.
« Projeter la lumière dans les profondeurs du coeur humain, telle est la vocation de l'artiste » écrivait le compositeur, Robert Schumann.
Le sujet-spectateur, libre de toute représentation imposée par l'artiste, va pouvoir s'immerger dans la lumière colorée et se laisser pénétrer par son langage, y trouver, si il souhaite aller plus loin dans l'introspection, des messages spirituels forts.
Toute connaissance dérive de l'expérience sensible.
La « couleur- lumière » est un langage universel qui touche tout être humain, quelque soit sa culture, sa religion, ses croyances.
Déjà Kandinsky, précurseur de l'art contemporain, pose dans son livre ''Du spirituel dans l'art'', les grandes questions qui occupent encore actuellement les scientifiques autant que les artistes:
Quelle est l'origine de la lumière? Quels sont les pouvoirs de la couleur? Comment agit-elle sur notre conscience profonde? Quelle est la situation créatrice de l'homme dans notre société?
« ''Comprendre '', c'est éduquer le spectateur afin de l'amener au niveau de l'artiste. Un tel art ne saurait rendre que ce qui, dans l'atmosphère du moment , est clairement accompli.
L'autre art, susceptible d'autres développements, prend également racine dans son époque spirituelle, mais n'en est pas seulement le miroir et l'écho; bien au contraire, il possède une force d'éveil prophétique ...Ces deux analogies de l'art nouveau avec certaines formes des époques révolues sont, il est facile de le voir, diamétralement opposées. La première est toute extérieure.
La seconde est intérieure et pour cela porte en elle le germe de l'avenir ».
Wassily Kandinsky- ''Du spirituel dans l'art ''
Ainsi naît un dialogue entre l'oeuvre et le spectateur. Le ''questionnement'' posé par l'absence d'identification narrative et qui ne repose que sur la perception pure, permet de faire tomber la barrière entre le spectateur et l'oeuvre d'art.
Conclusion
A l'époque où l'art se tourne vers la ''réalité virtuelle'', où la technologie permet de transporter le spectateur dans un autre monde: un univers virtuel « dans lequel il peut se fondre et subir des sensations époustouflantes », que devient l'activité et la liberté ''perceptuelle''?
Faire entrer le spectateur avec son corps dans l'oeuvre d'art est un idéal poursuivi par de nombreux artistes contemporains.
Mais n'est-ce pas un leurre que de s'engager dans la voie de la ''réalité virtuelle'' pour vivre une expérience immatérielle? Le manque de ''corporéité'' dans le numérique, est un problème très actuel, dont souffrent d'ailleurs cruellement les réseaux sociaux.
Ce qui se présente aujourd'hui à nos sens est tellement abondant et diversifié qu'il en devient presque banal de ''sentir''. Cet excès d'images et de sons amène le public à adopter une attitude de ''zappeur'', dont le ressenti s'émousse, ne sachant plus sur quoi se centrer et poser son attention.
Nos réflexions et recherches sur la lumière ont donné sens à tout notre travail et notre réponse se trouve précisément dans cette démarche sensorielle, ''perceptuelle'', qui engage pleinement le spectateur, dans un dialogue intérieur, calme, libre et créatif avec l'oeuvre. Elle laisse un espace vide à investir!
Pascale Zembok, avril 2018