MARIONNEAU Brigitte, Sculpture, céramique

"Je suis sculpteur.
J’ai choisi la terre. La terre m’a choisie. Elle s’est imposée à moi comme une évidence.
D’elle, j’ai appris tous ses possibles. Je ne pouvais pas me confronter à un autre matériau. Un matériau dur, dense qui nécessitait un rapport de force physique dans les gestes. Avec la terre il y a une relation très souple, très sensuelle, très active. C’est un travail tout en douceur.
La forme et la matière peuvent entrainer l’oeil dans un magma, dans la pénombre, dans une encre. Et ce n’est pas de l’encre, c’est du carbone, ce n’est pas du magma c’est de la terre. Il est intéressant d’égarer l’oeil de l’autre, de l’emmener à voyager au coeur de la matière, de l’égarer dans ses certitudes. J’éprouve ce besoin d’ancrer mes pièces comme un morceau de sol, un lieu d’où s’exprimeront les métamorphoses du temps par les traces, l’érosion, la pénombre, la vie interne, l’encre de la matière telle une plaque photosensible. J’ai toujours aimé la photographie en noir et blanc. Et j’ai toujours aimé ces photographes qui vous permettent d’accéder à leur chambre noire. On n’y voit absolument rien. Et progressivement, le temps que votre rétine s’habitue à l’obscurité, tout devient plus lumineux. Mes pièces sont une invitation à visiter cette chambre noire, pour une quête de lumière. Le noir efface tout artifice. Seules comptent la ligne, la forme et la lumière. Le noir invite à travailler les variations du noir. Des variations intéressantes. J’ai à coeur de travailler toutes les possibilités  du monochrome."

Brigitte Marionneau

Lorsqu'elle évoque la « genèse de l'oeuvre » Brigitte Marionneau parle de « dépôt géologique, de sédimentation » : « Ma création est faite par strates », analyse-t-elle. Quelles sont ces strates ? De toute évidence, sa plastique porte les empreintes d'un vif sentiment de la nature, d'une présence au monde réceptive et contemplative .../... Dans l'art de Brigitte Marionneau, on ne trouve ni inflation romantique du moi ni jactance prophétique ; ce qui se donne à voir, c'est la métabolisation d'impressions, d'émotions, de souvenirs, la cristallisation dans la céramique de ce qui, issu de l'extérieur, est intériorisé par l'artiste.        

Mikaël Faujour

La lenteur qu'implique nécessairement l'élaboration de l'oeuvre appelle, à son tour, celle de la réception contemplative, rêveuse. D'un côté comme de l'autre, l'expérience y gagne sa profondeur, à rebours de l'incessante frénésie contemporaine d'images, de « données », de voyages, de marchandises... Là, sans mots, se joue une spiritualité matérialiste accueillant ce qui est, un amour de la vie en tant que force d'essor.

Mikaël Faujour, journaliste et critique d'art, membre de l'association internationale des critiques d'art (AICA), février 2024