JEANCLOS Georges, sculpture, artiste permanent de la Galerie Capazza depuis 1995

Georges Jeanclos (1933-1997) est l’un des grands sculpteurs français du XXe siècle. Son œuvre est née en écho aux événements traumatisants de la Deuxième Guerre mondiale. Pour échapper aux rafles qui menacent les Juifs en France, sa famille doit se cacher dans les bois ; lui-même, âgé d’une dizaine d’années, apprend à côtoyer le danger de mort. Au lendemain de la Libération, il voit les corps des anciens collaborateurs pendus aux réverbères ; peu après, il découvre les êtres squelettiques qui ont survécu aux camps. Des décennies plus tard, Jeanclos réagira à cette expérience fondatrice : non en se renfermant dans son propre vécu, mais en s’ouvrant à l’universel, en se mettant à l’écoute de toutes les souffrances, passées et présentes ; non en représentant l’horreur, mais en trouvant en lui la force pour créer la beauté.


Jeanclos transforme la terre avec laquelle il travaille en fines feuilles, à l’aide desquelles il forme des personnages aux visages semblables, à la fois enfants et adultes, hommes et femmes. Ce sont des dormeurs couchés sous un drap de terre ; des êtres enfermés dans des urnes estampillées avec des lettres hébraïques tirées des prières pour les morts ; des personnages chargés sur des barques parties vers l’autre monde ; des kamakuras, bonzes en méditation, spectateurs de leurs jardins intérieurs. Plus tard s’y ajouteront des Piétas, des Adam et Eve amoureux, des couples qui se frôlent ou s’étreignent. Les images de Jeanclos révèlent à la fois l’insigne faiblesse de notre personne et la force irréductible de notre amour ; par leur simple existence, elles nous aident à vivre.


Tzvetan Todorov

Biographie

Jeanclos est né à Paris dans une famille juive, il s'appelait alors Georges Jeankelowitsch.
Un an après sa naissance, ils s’installent à Vichy ; ils ne peuvent imaginer alors le rôle que jouera cette ville dans le destin de la France au cours des prochaines années.

En juin 1940, c’est la débâcle militaire, Vichy devient la capitale de l’Etat français, limité à ce que l’on appelle alors la zone libre. Cette fiction s’effondre en novembre 1942, quand l’armée allemande occupe la totalité du territoire. En janvier 1943 est créée la milice, groupe armé français au service de l’idéal fasciste.

La famille Jeankelowitsch se réfugie d’abord dans un village ; un jour, en août 1943, l’instituteur vient les prévenir que les Allemands cherchent à les arrêter. La famille s'installe dans une cabane au milieu des bois, les parents s'y terrent et n'en sortent jamais. Pendant un an, c’est donc aux enfants d’aller au ravitaillement dans les villages voisins, où sont installés les militaires allemands.

En août 1944, les Allemands fuient, les Jeankelowitsch peuvent sortir des bois. Mais les jours suivants apportent d’autres expériences traumatisantes. « J’ai vu, au sortir du collège, pendant les purges, les lynchages, la haine, les collabos pendus par les pieds aux réverbères. » Peu après viennent les révélations sur les camps d’extermination, les noms d’Auschwitz et de Treblinka prennent leur charge d’horreur et la famille découvre avec effroi la magnitude du désastre auquel elle vient ses membres sont les survivants d’une communauté décimée.

Les coups sont tombés très près : un oncle et une tante de Georges, qui habitaient la ville voisine de Saint-Amand-Montrond, font partie des victimes ; ils ont été arrêtés par les miliciens et massacrés par les membres de la Gestapo. C’est en rapport avec ces événements ("j’ai perdu mon nom en 1945") que, quelques années plus tard, la famille abandonne son nom d’origine et adopte la version francisée "Jeanclos".

C’est en 1947, âgé de quatorze ans, que Jeanclos, qui habite alors à Vichy, choisit avec le plein accord de ses parents de se consacrer à la création artistique : il quitte l’école et entre en apprentissage chez un sculpteur, Robert Mermet, dans la ville voisine de Cusset. Jeanclos reste avec lui jusqu’en 1949, essayant de faire aussi bien que le maître, heureux de voir la terre rouge se soumettre à sa volonté.
Georges Jeanclos entre aux Beaux-Arts de Paris en 1952, il en sort en 1958.

Au sortir de cette école Jeanclos doit accomplir son service militaire : vingt-huit mois ! Il ne sera pas envoyé en Algérie, car son frère y a trouvé la mort en tant que soldat. Il pourra même, pendant son service, concourir pour le prix de Rome ; il gagne le premier prix et, en 1960, part pour la Villa Médicis, où il reste jusqu’en 1964.

Au cours de ces mêmes années il se marie, voit naître ses trois enfants. Rentré en France, il doit gagner sa vie, ce qu’il fait en fabriquant de petites terrines, vendues dans le commerce. En 1965, il devient professeur aux Beaux-Arts du Mans, en 1966 il commence à enseigner aux Beaux-Arts de Paris.

Il décide donc, en 1970, de reprendre le chemin de l’école : il s’installe dans le Marais (ancien quartier juif) et recommence ses études hébraïques.

Ses premières oeuvres à voir le jour sont les dormeurs. Le dormeur est modelé à l’aide d’une fine feuille de terre, il est ensuite recouvert d’une seconde feuille, un drap de terre. Tous les dormeurs ont une tête, un visage, mais c’est toujours le même, dépourvu de toute caractéristique particulière : ils sont sans âge ni sexe, peuvent figurer indifféremment hommes ou femmes, adultes ou enfants.

La seconde figure qui viendra habiter l’œuvre de Jeanclos est l’urneCes œuvres naissent en réaction à la mort du père de Jeanclos, en 1976. Pendant un an, le fils ira à la synagogue réciter le kaddish, cette prière en honneur des morts dont, sans même comprendre son sens exact, il éprouve le besoin.

Les personnages enfermés dans les urnes, dont on aperçoit une partie de la tête, parfois une main, dont on devine un coude, un pied.

Dès 1979, il entreprend, tous les ans, de grands voyages qui le conduisent dans tous les pays du monde, en Amérique latine, en Afrique, en Asie. C’est le Japon qui laissera sur lui l’impact le plus fort : il lui donnera une nouvelle figure, appelée par Jeanclos Kamakura, par référence à la capitale du Japon au Moyen Age.

Alors que les dormeurs, les habitants des urnes, les Kamakuras étaient des images rêvées de lui-même, d’un être isolé se tenant à la marge de la vie ou immergé dans la contemplation de son jardin intérieur, désormais il montre des personnages qui se touchent, se parlent, participent à une histoire.

A partir de ce moment de son évolution, Jeanclos fera du couple l’un de ses motifs de prédilection. Au cours des années précédentes, il représentait parfois plusieurs personnages ensemble, deux dormeurs sous la même couverture, deux corps enfermés dans la même urne, ou même deux Kamakuras recouverts du même tissu.

En 1985, Jeanclos perd sa mère. Cet événement se répercute aussi dans son œuvre, en l’amenant à y introduire un élément nouveau : les barques. Une fois de plus, il s’agit d’une rencontre entre l’expérience intérieure et une forme reçue d’ailleurs : il pense aux barques funéraires que l’on trouve dans les tombes égyptiennes.

Un autre événement se produit à la même époque dans l'existence de Jeanclos, qui transformera son oeuvre : ses sculptures commencent à être connues. Il est sollicité par divers organismes publics qui lui font la commande d'oeuvres monumentales destinées à rester en plein air. 

La première grande commande publique lui est adressée en 1983 : on lui demande de sculpter un monument en hommage à Jean Moulin, le dirigeant de la Résistance.

La seconde grande commande, Jeanclos la reçoit en 1985 :  on lui demande de compléter le tympan du portail d’une église gothique du XIIe siècle, Saint-Ayoul à Provins. Il accepte avec enthousiasme ; ce travail l’occupera pendant cinq ans.

En 1992, Jeanclos reçoit la commande d’un monument commémoratif, à placer au lieu dit Guerry, aux environs de Bourges, où, cinquante ans plus tôt, son oncle et sa tante avaient été précipités, à côté de dizaines d’autres Juifs, dans de profonds puits où ils sont morts d’étouffement.

Le monument bouleversant sera terminé en 1994 et il se compose de deux colonnes. La première accueille les corps qui tombent ; la seconde contient ceux qui remontent à la surface.

Jeanclos ne s’est pas contenté de représenter le crime, il a voulu figurer aussi une résurrection. Ces deux colonnes s’appellent La Chute et La Montée des corps. Ce sont ces deux mouvements qui donnent sens à cette oeuvre.

En 1996, Jeanclos est atteint d’un cancer à la gorge – qui l’emportera l’année suivante. En convalescence, il se dépêche de terminer une nouvelle commande publique, le portail de la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille à Lille.

Biographie réalisée avec l'aide de passages du texte
"La force de la fragilité" de Tzvetan Todorov

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Pour en savoir plus

Un Mois - Un Artiste est un rendez-vous mensuel pour vous faire découvrir les artistes de la galerie.

Retrouvez celui consacré à Georges Jeanclos paru en mars 2020, à télécharger ci-après 

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Commandes publiques

1983-84  Monument à la Mémoire de Jean Moulin, Champs Elysées, Paris.

1985  Porte du Ministère des Finances, Bercy, Paris.

1985  Tympan du portail de l’église Saint-Ayoul, Provins.

1989  Fontaine de la Place Stalingrad, Paris.

1992  Bas-relief collège de Carrières-sur-Seine.

1993  Décoration du portique d’entrée de l’hôtel départemental de police, Toulouse.

1994  Monument commémoratif de la tragédie des Puits de Guerry.

1996  Fontaine de Saint-Julien-le-Pauvre, square Viviani, Paris.

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Collections publiques

- Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
- Fonds National d’Art Contemporain
- Musée des Beaux-Arts, Lyon
- Musée Cantini, Marseille
- Musée d’Ixelles, Bruxelles
- Fondation Johnson, USA
- Jewish Museum, New York
- Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, Paris
- FRAC Alsace-Lorraine, Haute-Normandie, Champagne-Ardenne, Poitou-Charentes
- Fondation du judaïsme français, Paris
- Centre culturel de l’Yonne, Auxerre
- Musée de Cambrai
- Musée d’Israël, Jérusalem
- Musée de Tessé, Le Mans
- Royal Ontario Museum, Toronto
- Azabu Juban Community Stores, Pedestrian Sidewalk, Japon
- Institut du Monde Arabe, Paris

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Expositions personnelles

2020  Georges Jeanclos-Auguste Rodin : Modeler le vivant, Galerie Capazza, Nançay. En partenariat avec le Musée Rodin

2018  Solo show sur la foire Art Paris, Art Paris Art Fair 2018

2017  Murmures - 1 exposition, 2 lieux. Galerie Capazza, Nançay et Palais Jacques Coeur, Bourges

2011  Galerie Capazza, Nançay

2010  Galerie Capazza, Art Elysées, Paris

2009  Galerie Capazza, Art Elysées, Paris

2006  Galerie Claude Bernard, Paris

2004  Galerie Capazza, Art Paris

2002  Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris

1999  Musée de l’ Hospice Comtesse, Lille
Rétrospective Georges Jeanclos, Musée Daubigny, Auvers-sur-Oise
Galerie Capazza, Nançay

1998  Garth Clark Gallery, SOFA, New York, USA

1997  Garth Clark Gallery, New York, USA

1996  Musée Labenche, Brive-la-Gaillarde
Galerie Albert Loeb, Paris
LARC, Scène Nationale, Le Creusot

1995  Royal Ontario Museum, Toronto, Canada
Galerie Capazza, Nançay

1993  Centre culturel de Boulogne-Billancourt
Musée de Tessé, Le Mans

1990  Galerie Albert Loeb, Paris
Galerie Patrice Trigano, FIAC, Paris

1989  Musée des Beaux-Arts, Saintes
Le Prieuré d’Airaines, Somme

1988  Herzliya Museum of Art, Israël
Musée d’Arad, Israël
Musée de Cambrai
Galerie Mira Godard, Toronto, Canada
Galerie Albert Loeb, FIAC, Paris

1987  Galerie Woltjen-Udell, Emonton, Vancouver, Canada
Galerie Albert Loeb, Paris
Galerie Claude Bernard, New York, USA

1986  Galerie Mira Godard, Toronto, Canada
Maison de la Culture, La Rochelle

1985  Centre culturel de l’Yonne, Auxerre
Galerie Claude Bernard, Paris

1984  Galerie Lanzenberg, Bruxelles, Belgique
Maison de la Culture, Orléans
Galerie Albert Loeb, Paris

1983  Musée d’Art Moderne, Troyes

1981  Galerie Albert Loeb, Paris
Osuna Gallery, Washington, USA
Galerie Lanzenberg, Bruxelles, Belgique

1980  Galerie Albert Loeb, FIAC, Paris
Galerie Jade, Colmar
Forum Gallery, New York, USA

1979  Galerie Albert Loeb, Paris

1978  CAC, Pontoise
Galerie Lanzenberg, Bruxelles

1977  Galerie La Touriale, Marseille
Galerie Noella Gest, FIAC, Paris
Galerie Lacloche, Paris
Centre Georges Pompidou, « Ateliers d’aujourd’hui », Paris
Galerie Lanzenberg, Bruxelles, Belgique
Musée de Botrop, Allemagne
Musée d’Essen, Allemagne

1974-75  Galerie Shandar, Paris

1973  Maison de la Culture, Vichy

1966  Oslo et Cologne

1964-67  Galerie 9, Paris

1960-61  Galerie Jardin des Arts, Rome, Italie

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Entretiens

- E.Devolder, Entretien avec Georges Jeanclos, Revue de l’Université de Bruxelles, 3-4, 1979.

- F.Schulmann, Georges Jeanclos parle à Fernande Schulmann, Traces, 2, 1981.

- Bruno Focart, Jeanclos, la gloire du tympan, Beaux-Arts magazine, 47, juin 1987.

- Françoise Magny, Entretiens, Catalogue des Musées de Saintes, Cambrai, 1988.

- Le Christ de Provins ou la dernière tentation du moderne, Le quotidien du Maire, le 20 juin 1989.

- E.Hausser, Rencontre avec le sculpteur Jeanclos, La coiffure de Paris, 930, octobre 1989.

- Cl. Laks, Jeanclos. A quel dessein ?, La revue de la céramique et du verre, 49, novembre-décembre 1989.

- L.Bernard, Le Christ du XXe siècle, Le Figaro, le 9 mars 1990.

- J.M.Drot, Dialogue avec un sculpteur d’aujourd’hui,Villa Médicis, 9-10, 1990.

- E.Ribaucour, Georges Jeanclos au musée Tessé : les fruits d’une tension interne, Ouest France, le 5 mai 1993.

- Françoise Magny, Entretien, in : Tendances de la sculpture contemporaine figurative, Cambrai, 1994.

- A.Grenon, Jeanclos, terre cuite : de la caresse au cri, Courrier des métiers d’art, 146, octobre 1995.

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Catalogues

- Georges Jeanclos - Terres cuites, Galerie Shandar, Paris, 1975, texte de Gaetan Picon.

- Ateliers d’aujourd’hui, Centre Georges Pompidou, 1977, texte de Jean Clair .

- Jeanclos - Les dormeurs, CAC, Pontoise, 1978, texte de François Cheng.

- Jeanclos, Galerie Albert Loeb, Paris, 1979, texte de Jean Clair.

- Jeanclos, Galerie Albert Loeb, Paris, 1981, texte de Alain Macaire.

- Jeanclos-Mossé, Terres cuites, dessins, Musée d’Art moderne, Troyes, 1983, textes de Philippe Chabert, Marcelin Pleynet, Emmanuel de Margerie, Gilbert Lascault.

- Frac Alsace, 1983, texte de Jean-Yves Bainier.

- Jeanclos-Mossé, sculptures et dessins, Maison de la Culture, Orléans,1984, texte de François Wehrlin.

- Jeanclos, Galerie Albert Loeb, Paris, 1984, texte de Bernard This.

- Jeanclos, Centre culturel de l’Yonne, Avallon, 1985, texte de Gilbert Lascault.

- Jeanclos, Galerie Albert Loeb, 1986, texte de Bernard This.

- Jeanclos. Le tympan de Saint-Ayoul, Maison de la culture, La Rochelle, 1986, textes de Claude Mollard, Bruno Foucart, Mareclin Pleynet.

- Jeanclos sculptures, Galerie Albert Loeb, Paris, 1987, texte de Marc Le Bot, « Le plus secret des secrets ».

- Georges Jeanclos, Musée de Cambrai, 1988, interview de Georges Jeanclos par Françoise Magny.

- Musée d’Herzliya, Israël, 1988, texte de Yoav Dagon.

- Figures - carte blanche à …, Galerie du Théâtre Municipal, Brive, 1991, texte de Pascal Bonafoux.

- Le Tondo aujourd’hui, mai 1992, texte de Alain Macaire.

- Georges Jeanclos, sculptures, dessins, Musée de Tessé, Le Mans, 1993, texte de Marie-José Mondzain-Baudinet.

- Ateliers a Parigi. Forni tendenze e scultura, 1993, texte de Roberto Tassi.

- Tendances de la sculpture contemporaine figurative, Musée de Cambrai, Cambrai, 1994, entretien avec Françoise Magny.

- Georges Jeanclos, Terres cuites et bronzes, Galerie Capazza, 1995, textes de Victor Convert, Gilbet Lascaux, Alain Bonfand, François Cheng, Marc Le Bot.

- Collection, fin XXe, 1983-1995, Douze ans d’acquisition d’art contemporain en Poitou-Charentes, Catalogue raisonné de la collection du Frac Poitou-Charentes.

- La sculpture de Georges Jeanclos, Musée d’Art Céramique George R. Gardiner, Toronto, 1995, texte d’Anne Mc Pherson.

- Georges Jeanclos, LARC Scène Nationale Le Creusot, 1996, textes de Claude Meiller, Bernard This.

- Catalogue du Musée de Cambrai, Paris, RMN, Fondation Paribas, 1997, texte de Françoise Magny.

- Jeanclos, Musée de l’Hospice Comtesse, Lille, 1999, textes de Marie-José Mondzain, "Tu ne feras pas d’images taillées" ; Alain Bonfand, "Le veilleur" ; Françoise Magny, "Parcours dans l’œuvre de Georges Jeanclos 1977-1997" ; "Georges Jeanclos - Rencontre"

- Hommage à Georges Jeanclos, Musée Daubigny, Auvers-sur-Oise, 1999.

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Principales études

- Le tympan de Saint-Ayoul, Paris, Editions de la Différence, 1986. Textes de Marcelin Pleynet - L’univers polymorphe de la terre ; Bruno Foucart - Le partage du tympan » ; Georges Jeanclos - La terre est grise ; Claude Mollard - Force et fragilité

- Jacques Sojcher, Jeanclos, Prier la terre, Paris, Ed. Cercle d’Art, 2000.

- Tzvetan Todorov, Jeanclos, La force de la fragilité, Editions Galerie Capazza, 2011.

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Filmographie

- Georges Jeanclos, Centre Georges Pompidou, décembre 1977.

- Solitude aux hanches étroites, Daniel Lecomte, émission "Fenêtre sur…poétique de l’espace", A2, 1978.

- Musiques au cœur des toiles, émission d’Eve Ruggieri, A2, 11 mars 1992.

- Portail Royal, Daniel Lecomte, émission "Le jour du Seigneur", France 2, 15 novembre 1992 (Collection Foi et Culture).

- Vie et mort de l’image, Régis Debray, Arte, France 2, 14 octobre 1994.

- Le jardin de Saint-Julien, Daniel Lecomte, 1996 (Prix Meilleure Vie d’Artiste, Festival International du Film d’Art, 1997).

- Georges Jeanclos, France 2, Geneviève Moll et Ch. Roux, 10 octobre 1999.

- La porte du ciel, Daniel Leconte, 2000.

- Sculpteur d'humanité, Bérengère Casanova et Equipage Media, 2017

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La terre est grise

L’ Eden aujourd’hui déchire mes lambeaux de prières.
Ils ont déjà dix ans.
Je suis né avec eux, loin des fours innommables.
J’ai modelé ce cri pour tous les oubliés.
Ils m’ont honoré, murmures échappés par miracle.
Sous leur regard aveugle j’ai modelé la glaise.
Ils se sont enterrés,
leurs têtes recouvertes se haussent pour prier
et leurs membres tendent cette croûte délicate.
Adam et Eve nus, splendeur du corps ineffable,
ventres lisses et chauds qui s’étirent,
des mains aux gestes délicats
et ces têtes dressées attentives à l’autre.
Enfin terminé l’écho des plaintes qui m’assaillent,
le chant des oiseaux recommence.
Vais-je pouvoir aujourd’hui donner forme
à ces corps d’hommes et de femmes,
exalter le nu dans toute sa splendeur ?
Dans mon atelier, la Vierge est entrée,
assise, elle écoute, elle parle.
Elisabeth aussi, sous le murmure des arbres.
Et puis la dormition.
Une femme qui souffre, son enfant martyr,
pour moi, Marie, pareille aux millions d’autres
poignardées, la bouche ouverte
permanence d’un cri millénaire.
C’est la mère du Christ.
C’est une mère comme tant d’autres,
étripée,
et c’est moi qui dois sculpter au tympan de l’église
et j’ai choisi Marie.
L’espace de quelques mois, pour ces bas-reliefs.
Adam et Eve soutiennent le linteau.
Seul le bras d’Abraham est retenu,
l’ange visible
le père a disparu.
Je n’ai pu modeler ce vieillard,
l’enfant lié qui attend,
Isaac, mon frère, est mort la gorge trouée
Sur un piton rocheux, voilà bientôt trente ans
victime immolée.
L’espace de quelques mois, pour répondre,
un répit, et une menace déjà sur nous.
Faudra-t-il à nouveau se couvrir de terre,
s’enfouir, pour survivre,
écho de Tchernobyl,
victimes au futur,
Vierges promises au calvaire,
pauvres macarenas,
quelles larmes verserez-vous demain ?
Que dire au fronton de l’église,
quel message ?
Ne devrait-il pas être le pendant des enfers
d’Autun, de Bourges et de Colmar
quel jugement dernier ?
quelle marmite effroyable !
Je voudrais aussi le dire,
mais ne vaudrait-il pas mieux tirer
toutes les sonnettes,
battre le tocsin
et jeter toute cette terre à la face de Dieu,
Jérusalem céleste,
où es-tu ?

Jeanclos, le tympan de Saint-Ayoul, Maison de la culture de La Rochelle / Editions de la Différence, La Rochelle - Paris, 1986, in Georges Jeanclos, Œuvres et Ecrits, précédés de La force de la fragilité, par Tzvetan Todorov, éditions Galerie Capazza / Biro & Cohen éditeurs, 2011.

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Le bonheur sur la terre

Cette relation singulière construite sur le vide, l’air occulté dans un cocon de terre où germent un ventre rond, une épaule, ce doigt tendu sous la verrière, réassembler ce corps épars, coucher sur l’argile pneumatique ce corps survivant, endormi au creux des draps gris, la lumière qui descend sur les visages anonymes, lisses comme des galets. Le soir, seul spectateur d’un monde endormi, annonciation aux portes d’un paradis aphone et bleu. Ce bonheur qui germe sous mes doigts à travers les lettres carrées, entre le pouce et l’index, pincement délicat du lobe et du téton. Il peut, suspendu un instant comme un grand paon de nuit, dévoiler au creux des plis, la tendresse, à tâtons, découvrir à reculons l’objet de mon désir. Corps retrouvé dans la glaise humide. Bonheur d’être debout, campé ferme sur les jambes, le torse flexible qui agite au bout des bras ce drap de terre souple. Retenir du bout des doigts ce prolongement de moi.

Terre de tendresse, paradis oublié, condition de ma sur vie, création de jouissance, vertige, extase que ponctue chaque jour un point d’orgue, riches heures passées à piéger la forme avec, au bout du chemin, ce corps retrouvé entre ciel et terre.

Ce vide autour duquel je construis, ouvrage de la journée, qui sous-tend tout cet édifice de voiles de terre, produit de l’étirage de l’argile. Cet instant crucial où l’air enfermé assure la tenue d’un globe souple. Tel un coussin d’air, il peut devenir corps, ventre fécond de tous les possibles, accouplements, membres qui percent sous les voiles. Ce volume centré sur la sellette devient un monde où le corps morcelé se reconstruit dans un espace et un temps limités - gagnés de vitesse -. La faille toujours possible, défaillance de la matière, qui me guette. L’effort soutenu pour être dans les temps. Dépendant des effets sur la matière, de la chaleur et de ma force, il faut tenir, durer, heures de gestation qui ramènent à la lumière ces formes luisantes. Tout faire avant que cette eau d’en bas s’évapore et me laisse impuissant. La fatigue me gagne et je dois m’étendre pour reprendre un souffle que le seul sommeil vient régénérer, comme si, pour finir ma journée et clore mon travail, j’avais besoin d’aller chercher dans un ailleurs la force qui me manque pour conclure ce voyage autour d’un vide piégé dans le bonheur.

Georges Jeanclos, extrait de Georges Jeanclos, Editions Galerie Capazza, 2011

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